Cynthia Fleury : lutter contre la Loi de l'arbitraire
La philosophe politique Cynthia Fleury (C.F) s' interroge sur les derniers mouvements sociaux par l'intermédiaire du prisme de notions comme l'arbitraire et le précaire. Nous serions à la croisée de ses chemins ou la Loi met à nu le sujet citoyen, si celui ci perd la capacité d'une équivalence dans l'échange contractuel, alors la loi ne remplit pas son rôle de protection de l'individu contre l'arbitraire : le citoyen devient précaire. La République s'est construite depuis près de deux cents ans sur ce modèle : le travail législatif tend à rendre équivalent les citoyens devant l'échange social, c'est le principe d' égalité des contrats. Ansi C.F suggère l'exemple du patronat qui pour un licenciement sans motif aurait pu proposer une compensation par une rémunération plus élevée ou le droit de licencier sans motivation au regard d'une démission du salarié sans pénalités sur ses indemnités. C'est dans ce sens que la philosophe conçoit une démocratie active dans la mesure où les lois sont évalués à l'aune de leur capacité à limiter l'arbitraire.
Lutter contre le déficit démocratique
A cet égard elle s'appuie sur le penseur politique Jurgen Habermas pour montrer que le déficit démocratique a pour principale origine le fait que les décideurs ne sont pas concernés par leurs actes, ils n'en subissent pas les conséquences. Aussi la liberté, au -delà de la conception classique d'un accès à l'autonomie doit pouvoir se comprendre comme un "idéal de non vulnérabilité à l'arbitraire". Les politiques managériales iraient à l'encontre d'un véritable projet de réforme ou de "République active". La souveraineté ou l'exercice du pouvoir dans un contexte contemporain doit être partagé. L'expertise est multiple : les parlementaires, les syndicats et les associations doivent produire des diagnostics , des propositions et co-décider sur les options sociétales.
Une souverainté légitime dans sa pluralité
La réforme véritable a plusieurs voix. Il en va d'une nouvelle légitimité de l'Etat à mettre en oeuvre les condtions d'une gouvernabilité plurielle. Alors le gouvernement n'aurait plus à être pris dans le piège d'imposer ou de s'incliner . La res publica doit sortir du "pétage de plomb", pour organiser "la régulation des attentes du moi". L'Etat ne peut pas tout. Est-ce à lui de décider de la nature des contrats de travail ? l' historien Jacques Marseille (J.M) nous rappelle que Les "pays normaux "laissent ce champ de négociation aux représentants syndicaux du patronat et des salariés. L'Etat pourrait par contre aider à construire des diagnostics partagés sur les grands enjeux économiques et sociaux du moment. Pour ne prendre que l'exemple de la dette publique (1200 milliards soit 66,4% du PIB) qui est pour l'année 2005 supérieure de 0,6 % à ce qui était prévu, ce qui fait 10 milliards d'euros supplémentaires, soit rappelle J.M quatre fois le budget du ministère de la culture, deux fois celui de la justice. Bref, le courage politique aujourd'hui serait par exemple d'affronter cette question des dettes non prescrites qui portent sur les générations futures . Les possibilités de débat et de choix existent, encore faudrait-il en organiser les conditions d'évocation, de de signification pour une élucidation éclairée. Beaucoup de pays ont entamé une réforme comme la Suède en 1994, mais aussi le Canada, la Nouvelle zélande ... Il ne reste plus qu'à formuler la notre pour travailler à sa mise en oeuvre entre citoyens conscients de la nécessité du principe de responsabilité politique ...
(A lire : l' interview de Cinthia Fleury (Le monde 2 du 8 avril 2006 + celle de Jacques Marseille : Libération du 8 /04)